Je n'entends plus battre le coeur de votre enfant – EP48

La perte laisse une cicatrice, mais c'est dans sa douleur qu'on trouve aussi la force d'éclairer le chemin pour d'autres.


Résumé de l'épisode :

Dans cet épisode émouvant de "Parentalité au Présent", nous rencontrons Madeleine, une femme courageuse qui partage son histoire poignante de perte précoce d'un enfant. Madeleine avait déjà participé à l'émission pour discuter de sa relation avec ses parents, mais aujourd'hui, elle souhaite évoquer une étape de vie singulière : la perte tragique de son enfant à sept mois in utero.

Madeleine commence par expliquer que tout semblait parfait pendant sa grossesse. La chambre était prête, les vêtements du bébé étaient préparés, et elle se réjouissait de l'arrivée de son enfant. Cependant, un jour, tout a basculé. Elle a ressenti des saignements inquiétants et a contacté la maternité, où on lui a dit de venir tranquillement.

Une fois à l'hôpital, on lui a assuré que tout allait bien. Cependant, quelques instants plus tard, une sage-femme est revenue avec un moniteur cardiaque portable et a découvert que le cœur de l'enfant ne battait plus. Madeleine raconte le choc de cette nouvelle, d'autant plus déroutant que tout semblait bien aller précédemment.

On lui a ensuite proposé de choisir entre une césarienne et un accouchement par voie basse, conseillant la césarienne pour sa capacité à avoir d'autres enfants à l'avenir. Madeleine a accepté cette option et a passé encore 24 heures avec son bébé décédé dans son ventre.

L'accouchement a été douloureux et compliqué, car la péridurale n'a pas fonctionné correctement. Après un long moment de souffrance, le bébé est finalement né. Madeleine a été autorisée à passer un court moment avec sa fille décédée, à prendre des photos et à faire des empreintes de pieds.

Madeleine partage le désarroi de sa fille aînée, âgée de six ans à l'époque, qui a appris la mort de sa petite sœur. Elle n'a pas pu comprendre la situation et a souffert énormément de cette perte, craignant même de retourner à l'école pour éviter les questions de ses camarades.

Madeleine regrette le manque de soutien de la part du personnel médical, décrivant un manque d'humanité dans le traitement des familles dans cette situation difficile. Elle souligne la nécessité d'une approche plus sensible, offrant des options d'accompagnement symbolique et de préparation aux familles pour les étapes suivantes.

Elle suggère également que le personnel médical prenne plus de temps pour écouter et conseiller les parents en deuil. Madeleine estime que la normalisation du processus de deuil et la préparation pour les étapes à venir pourraient aider les parents à mieux faire face à cette expérience déchirante.


“Un parent parfait, ça n’existe pas” c’est sur ce postulat que Janick Biselx-Menétrey, médiatrice familiale et coach de vie à Martigny, construit “PARENTALITÉ au PRÉSENT”.

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Podcast proposé tous les dimanches matins à 7h (une semaine sur deux gratuitement), il bâtit un espace où les cœurs s’ouvrent, les chemins de vie se déroulent et la simplicité enveloppe à son écoute.

Au travers des histoires de chacun·e·s, les schémas longtemps restés logés dans l’inconscient sont mis en lumière, les défis de la vie accueillis avec curiosité et présence permettant de sortir des tabous familiaux.

Au fil des épisodes, les récits de chacun·e·s nous apprennent que nous sommes “assez” et nous inspirent à vivre et laisser vivre avec confiance.

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Sujets abordés durant cet épisode: mort bébé in-utéro, deuil, accouchement d'un bébé mort de 7 mois, manque d'accompagnement du corps médical, communication, accompagnement psy deuil, garder le doux souvenir, acceptation, résillience, célébrer la vie, rebondir, changer son regard

Lire la transcription de l'épisode

[Texte généré automatiquement]


Écris un article résumant l'épisode de PARENTALITÉ au PRÉSENT dont la transcription est la suivante: C'est les moments privilégiés que j'ai eus avec elle quand elle était dans mon ventre. Et puis, je la sens toujours présente. Et puis, je sais qu'elle est là pour ça. Après ça, c'est des croyances. Pour son frère et sa sœur. Et puis, je me dis qu'elle avait peut- être un nom prédestiné. On ne sait pas que je lui avais choisi un prénom prédestiné. Mais beaucoup, oui, comme tu dis, de douceur, d'apaisement. Je n'ai aucune colère, aucune culpabilité. Ça prend du temps aussi, parce qu'au début, on dit « Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait faux ? » Mais finalement, il n'y a rien de tout ça. On n'est pas maître de la vie et de la mort, donc ça a accepté ce mouvement. Et puis, c'était sa petite vie. Puis elle a choisi mon ventre pour passer sa petite vie. Et puis finalement, c'est peut- être ça le cadeau.


Bonjour, je suis Janique Bizel-Ménetré, médiatrice familiale diplômée. Je suis passionnée par le lien relationnel. Je vous propose aujourd'hui, parentalité au présent, un recueil d'histoires plurielles pour une étape de vie singulière. J'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui à nouveau Madeleine. Merci Madeleine d'avoir accepté cette invitation. Tu étais avec nous il y a quelques temps et tu nous parlais de la relation que tu as avec tes parents aujourd'hui. De quoi est- ce que tu as envie de nous parler ?


J'aurais envie d'aborder de ce que j'ai vécu avec la perte précoce de mon enfant.


Quand tu dis « perte précoce », ton enfant avait quel âge ?


Mon enfant avait sept mois in utero, sept mois de grossesse. Tout allait bien. Le ciel bleu tout était prévu. La chambre était prête, les petits habits pliés, repassés, tout était là. Et un coup de tonnerre dans un ciel bleu, en deux heures, mon enfant était né au ciel, comme on dit.


Tout d'un coup, t'as eu des contractions et puis c'est comme ça que ça s'est passé ?


Non, non, non. J'étais simplement couchée dans mon lit et puis j'ai senti que je saignais un petit peu. Et puis j'ai appelé le la maternité en leur expliquant. Ils m'ont dit, mais ne vous inquiétez pas, ça arrive souvent, venez tranquillement. Ce que j'ai fait est arrivé là- bas, ils m'ont fait tous les examens, on m'a dit « Tout est en ordre. On vous met en chambre, s'il y a quoi que ce soit, on vous transfère dans un hôpital plus grand, mais tout est en ordre. Puis voilà, le papa est rentré à la maison. Moi, j'étais dans la chambre. Et puis, un quart d'heure après, ils sont revenus avec un monitoring sur roulette. Ils ont refait un contrôle et là, ils m'ont dit, c'était une très jeune sage- femme. Elle m'a dit, c'est la formule, j'ai appris après, c'était la formule. Je n'entends plus battre le cœur de votre enfant. Voilà. Donc, c'était un double choc dans le sens où on m'avait dit « Tout va bien » et puis un quart d'heure après, je ne sais pas ce qui s'est passé du côté des médecins, infirmières, sages- femmes, pour que tout d'un coup, ils...


Ils reviennent refaire la contrôle ?


Voilà, ils reviennent refaire la contrôle alors que tout allait bien un quart d'heure avant. Donc, je ne sais toujours pas ce qu'il y a eu, ce qui s'est passé. Quelqu'un ne m'a dit pas de bol ». C'est vrai, ça s'est passé. Il n'y a pas d'explication. Ils ont vu plus tard, beaucoup plus tard, en faisant des examens très poussés, qu'il y avait eu une poche de sang qu'on pouvait pas voir avec les outils qu'ils avaient en maternité aux urgences, qui étaient des outils, mais vraiment d'un autre temps. Ça s'est décollé Et puis mon enfant n'était plus irrigué, donc le cœur a cessé de battre.


Mon Dieu. Ça, ils ont vu comment ? Parce que ça s'est passé comment ? Là, la sage- femme te dit « Le cœur a cessé de battre. Puis après, qu'est- ce qui se passe dans ce moment- là ?


Après, ils me disent en gros bonne chance. » puis ils partent de la chambre. Ils m'ont dit « Est-ce que vous voulez avertir quelqu'un ? » Mais là, de but en blanc, ils m'ont pas dit « Votre enfant est mort, c'est fini. Donc, il faut quand même un petit moment pour- Intégrer. Pour intégrer. J'ai tout de suite compris. Parce qu'en fait, j'avais senti quelque chose d'anormal pendant qu'ils faisaient l'examen. Et après, je me suis dit, c'est à ce moment- là que c'était une petite fille, qu'elle est partie, j'ai senti à un moment donné dans mon ventre comme une bulle, comme une bulle qui s'ouvrait. Et quelque chose de très léger comme ça. Et après, quand on m'a annoncé que ma fille était morte, je me suis dit « Elle est partie à ce moment- là. »on a quand même dit un petit au revoir. Donc après, ça a été qui vous voulait avertir ? Et puis j'ai juste fait un téléphone. Et puis après, tout de suite, ça s'enchaîne.


C'était la nuit, donc ?


C'était la nuit, oui. Ça s'enchaîne avec des questions très intrusives, avec tout de suite les médecins qui viennent dire que ça serait très intéressant pour eux de pouvoir utiliser le corps de cet enfant pour la science et d'analyser, de la découper en mille morceaux pour savoir ce qui s'est passé. Mais c'était genre une heure après.


Mais là, ton bébé est.


Toujours dans ton ventre ? Oui, je suis restée encore 24 heures avec...


Avec.


Le bébé comme ça ? Avec le bébé dans le ventre, oui. Parce qu'ils m'ont proposé soit une césarienne, soit un accouchement par voie basse. Et puis moi, j'étais partie sur une césarienne parce que je ne connaissais rien. Et puis, vu de la tête du corps médical, ils m'ont expliqué que c'était mieux.


Un accouchement par voix basse ?


Oui, surtout si je voulais avoir des enfants plus tard. C'était une question qui était complètement inadéquate sur le moment. Et du coup, j'ai accepté d'accoucher par voix basse et ils ont attendu le soir pour me donner des hormones pour déclencher. Je suis restée 24 heures avec ma petite chérie dans le ventre et ce n'était pas du tout macabre. Certaines personnes trouvent ça absolument ignoble. Je l'ai bercée, j'étais accompagnée jusqu'au bout. Finalement, j'ai accouchée. C'était très pénible parce que la péridurale n'a pas pris. J'ai un corps qui ne prend pas les choses. C'était horrible parce que l'anesthésiste, il est venu à 3h00 du mat', mais faire la péridurale, il était Alcoolisé. Très alcoolisé. Ça a duré très, très, très longtemps, très douloureux. Et pour finir, ils ont dû me mettre un dérivé de morphine parce que ça ne se passait pas. Il n'y a rien qui marchait.


L'accouchement ne se provoquait pas, c'est ça ? Oui. Ou l'accouchement se provoquait, mais tu avais de fortes douleurs. Qu'est-ce qui ne marchait pas ?


J'avais des énormes contractions très longues, très douloureuses. Et puis, je ne lâchais pas, je pense. Je pense qu'il y a quelque chose qui a fait. Alors après, ils m'ont piqué la jambe et puis le papa qui était là, il m'a dit « T'es partie dans les pommes tout de suite ? » Et puis après, l'enfant est né et là, tout de suite, on m'avait demandé avant si je voulais la voir ou pas. Et puis j'avais dit « Oui, oui, oui. Et puis là, tout de suite, quand elle est née, j'ai dit « Non, je ne veux pas la voir. Et puis le papa m'a dit, si, si, regarde, si, si, regarde. Et alors après, je suis restée une heure et demie avec elle dans les bras. On a.


Fait des photos. Heureusement qu'il était là à ce moment- là, le papa qui t'a accompagnée, en fait.


Et je l'ai tenue dans les bras, on a fait des photos. Ils ont fait l'empreinte des petits pieds, ils ont fait ça. Le seul truc qui était terrible, c'est que pendant que... Il y a deux choses qui étaient terribles, c'est que pendant que j'attendais que les contractions viennent de plus en plus fortes, j'entendais les femmes qui accouchaient à côté, qui hurlaient, mais qui à la coucher d'un bébé vivant. À un moment donné, j'ai demandé si je pouvais pas avoir des boules quiès, parce que c'était quand même un peu...


Insupportable.


Mal placée, disons, insupportable. J'étais contente pour ces femmes, mais j'étais pas dans la même situation. Et puis, la deuxième chose qui était vraiment insupportable, c'est qu'ils m'ont envoyé une psychologue qui était absolument inadéquate. Moi, j'ai la tête sur les épaules, je connais un petit peu le domaine. Je l'ai foutu dehors de la salle parce que je pense, pour culpabiliser les mamans et enfoncer encore plus les gens dans la détresse, c'était la personne idéale.


Qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là ?


Avec cette dame, elle était complètement à côté de la plaque. La question qui m'a fait bondir, c'était « Est-ce que cet enfant était désiré ?


»donc là, tu étais en train de la coucher, tu avais déjà à coucher. Tu étais en train de la coucher ? Oui. Avec les douleurs, des contractions.


Et puis, j'ai dit « Elle était désirée. » On ne prenait pas de contraception. Ce n'est pas qu'on a décidé de faire un enfant. Pour moi, c'était OK. J'ai dit papa était un petit peu plus réticent. Et puis elle m'a regardée, elle a dit « Ah ». Et là, j'ai vu son raisonnement de dire « Si l'enfant est décédé dans votre ventre, c'est parce que le papa ne l'a pas désiré assez fort. Je l'ai foutu dehors.


».


C'est horrible.


C'est en tout cas ce que tu en as déduit dans la question qu'elle t'a posée. Il y.


A eu pas mal de questions du style très raccourcie et très mal placée, on dit en tout cas, pas du tout dans l'empathie ou la bienveillance ou le soutien. C'était plus de trouver une cause à tout ça.


Ça ne.


T'a pas aidée du tout ? Non. Et puis le suivi après, c'était aussi très...


Parce que là, si on reprend le bébé aîné, tu la gardes quand même finalement une heure et demie contre toi. Il s'est passé quoi dans ce moment- là, quand tu as ce bébé dans les bras ?


Moi, j'étais un peu shootée. Oui. J'ai des photos, je me rappelle que je la trouvais magnifique. Je lui ai détaillé tous les aspects, les petits doigts. Je montrais au papa « Regarde, les doigts, ils sont tous verts.


Regarde les cheveux. »c'était une.


Miniature, en fait ? C'était une miniature.


Elle pesait combien ?


950 grammes, je crois. Et puis après, il a fallu l'habiller. Ça aussi, je regrette au niveau de l'accompagnement. Je reviens un petit peu en arrière, quand on m'a annoncé que mon bébé était passé de l'autre côté, qu'il avait sauté une étape dans la vie, on m'a pas dit « Il y a deux possibilités pour cet enfant, soit vous l'inhumé, soit vous le vacillérez. » C'est une connaissance qui m'a dit « Mais tu sais que ça existe ? Il y a le cimetière des enfants à Lausanne ? » Il y a des endroits où il t'a le droit de dessiner et de la mettre au cimetière. » Puis, jusque- là, il m'avait plus ou moins fait comprendre qu'il mettait ça un peu aux ordures. Je dis ça parce que c'était vraiment l'impression que j'ai eue. Moi, j'ai décidé de l' ennumer. Après, quand elle est née, il a fallu « l'habiller », mais je n'avais pas l'affaire, j'étais complètement démunie. Et comme on habille un bébé de 900 grammes, j'ai mis une petite plume, j'ai mis ce que j'avais là. Et puis après, ils l'ont mise dans un petit cercueil à la morgue de l'hôpital. Je n'ai pas été voir ce cercueil, j'aurais dû aller.


Tu regrettes maintenant ?


Oui, parce que j'aurais gueulé. Je m'excuse du terme, mais...


Pourquoi tu aurais gueulé ?


J'ai vu en fait le cercueil, je l'ai vu quand on a fait la petite cérémonie au cimetière. C'est un cercueil miniature blanc tout chaud, mais il y avait une étiquette dessus, genre un micro... Une étiquette comme si c'était une marchandise avec tout juste pas le QR code. Et ça m'a choquée. C'était vraiment des numéros. C'était l'horreur.


Qu'est-ce que t' aurais aimé ? Ça aurait été comment pour toi un accompagnement qui soit à la hauteur de... ?


Déjà, l'annonce, j'ai compris après parce que je je me rappelle que cette sage- femme qui m'a annoncé ça, elle avait demandé à son supérieur de venir contrôler son diagnostic de mort. Ils étaient dans la chambre avec moi. Et puis, le chef a dit « Non. Tu dois te faire confiance. » etc. Je l'ai trouvé assez violent. Et puis, c'est après que j'ai compris qu'elle était peut- être au tout début de sa formation ou en fin de formation. Et puis, le lendemain, elle je ne sais pas si je pleurais, elle est arrivée, puis elle me dit ça va. Puis je la regarde, puis je dis, mais de toute façon, vous avez l'habitude de ne pas se faire confiance, aucune émotion. Et puis j'ai vu que je lui avais fait du mal en lui disant ça, que je l'avais blessée, mais c'était le contexte aussi. Et je me suis dit après, peut- être c'est la première fois qu'elle a dû faire cette annonce. Au niveau de l'accompagnement, c'est de dire voilà, il y a tout ce qui est émotions, ressentis. Après, ils pourraient nous expliquer ce qu'on peut faire avec un corps d'enfant. Il pourrait nous expliquer les différentes méthodes.


Je ne sais pas qu'est-ce qui va ce qui m'attend quand l'enfant est né ? Est-ce qu'il faut prévoir des habits ? Est-ce qu'on le met dans un cercueil comme ci ? Il y a plein d'étapes où on a le choix. On a le choix de « Est-ce que vous voulez mettre un objet ? Après, je me suis dit, moi, j'aurais aimé, si j'avais su, l'emmailloter. L'emmailloter dans quelque chose de très doux, dans un tissu.


Un peu comme un gaz, comme ça.


Voilà.


Très... Vaporeux.


Très vaporeux, très confortable. J'aurais aimé lui mettre peut- être une petite fleur, une mèche de mes cheveux, je ne sais pas. J'aurais pu demander à sa sœur de lui mettre un jouet, de lui mettre un dessin, plein de choses comme ça. Parce que du moment qu'elle est, je m'excuse, mais elle est morte, il n'y a pas d'urgence à la mettre dans un cercueil. Ils auraient pu nous préparer, nous dire qu'est-ce que vous aimeriez ? Est-ce que vous... Là, c'était vraiment...


Un peu mécanique comme ça ?


Mécanique. Et puis après, c'était « Débrouille-toi. Je viens regarder comment vous allez. » À part la demande express d'utiliser le corps à l'effort médical, il n'y a rien eu. Même après la sortie...


Ils t'ont gardée combien de temps après l'accouchement ?


Ils m'ont gardée du temps que j'arrive à prendre ma douche toute seule. Parce que je tombe trop tard. Et après, c'est que j'ai fait une hémorragie à la maison.


À la maison avant d'aller ?


Avant d'aller, parce que quand j'ai vu que j'avais du sang, j'étais couchée quand je me suis levée.


Du coup, ils t'ont gardé le temps d'être sûre que l'hémorragie soit...


Oui, et puis que je reprenne. Ils m'ont proposé de faire une transfusion sanguine. J'ai refusé. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai refusé. Je ne tenais pas debout. Je me forçais à manger. J'étais dans une chambre à l'isolement pour ne pas être avec les autres mamans qui avait des bébés. C'est une solitude en plus. Tout était maladroit. Vraiment, tout était maladroit. Je suis sortie, ils m'avaient mis quelques prospectus sur la table de soutien, je ne sais pas quoi, d'arthérapie, de parole pour les mamans. Les trucs étaient complètement impersonnels et vraiment, je trouve que c'est grave, une manque de...


Tu aurais eu besoin de ce soutien- là tout de suite et à l'hôpital en fait ?


Pour moi, on ne jette pas des prospectus. C'est peut-être un peu violent ce que je dis, on ne pose pas les plus de discutes. Tu as en tout cas eu l'impression qu'on te les a ajoutées. Voilà, si vous avez besoin. Bon, maintenant, vous êtes encore sous le choc. Voilà, sachez qu'il existe tel et tel... Il y a des manières de faire des choses, de se sentir pas complètement délaissées. Et puis en disant « OK, maintenant, cette femme, cette maman a accouché. Eux, ils ont fait leur job et puis le reste, ça les regarde pas ».


Oui, t'aurais aussi eu besoin d'être enveloppée, en fait, dans plus de douceur, plus de compréhension et.


Plus de... D'attention.


D'attention, ouais.


Voilà, puis je voyais ces petites infirmières qui étaient té désolées, mais je ne sais pas si elles avaient le droit aussi d'être proches des patients. Des patients. Voilà. Et puis c'est vrai que moi, j'étais en état de choc et puis de... Je ne tenais pas debout et puis Et.


Puis après, alors, comment tu es restée à l'hôpital ? Comment tu as fait pour surmonter ? J'entends que tu avais déjà une fille. Elle avait quel âge à cette époque- là ?


Six ans.


Comment elle a vécu, elle aussi ?


Elle aussi. Elle, ça a été le drame de sa vie.


Oui, ça touche encore maintenant. Elle n'a pas compris, en fait. Elle a pu l'avoir.


Non, mais non, il n'y a rien eu. Elle, elle a appris qu'elle n'avait plus de sort. Ce n'est pas moi qui lui ai fait l'annonce. Ça aussi, j'aurais aimé lui faire l'annonce. Et parce qu'on m'avait annoncé là qu'elle était morte, c'était 6h00 du matin. Et puis le papa était rentré à la maison entre deux. Je lui ai téléphoné, bref. Et puis quand il a été la chercher, donc chercher sa fille vivante à l'école, il a dû lui annoncer cette nouvelle parce que lui devait revenir à l'hôpital pour assister à l'accouchement. Et puis elle, elle a hurlé pendant des heures. « Ma sœur est morte. » C'était un drame. Et puis elle n'a pas pu venir me voir.


Comment ça ? Parce que tu étais en train de la coucher, c'est ça ?


Non, ils ont déclenché l'accouchement. Elle aurait pu venir deux heures, me voir encore avec sa sœur dans le ventre, lui faire un adieu, je ne sais pas, tous ces trucs purement humains, relationnels. Donc, en fait, elle m'a vu le soir où j'étais au lit. J'avais un bébé, puis elle m'a vu une semaine après, il n'y avait plus de bébé. Et puis, le pire, c'était qu'elle n'osait plus retourner à l'école. Parce qu'elle avait peur qu'on que ses copains de l'école la traitent de menteuse. Parce qu'elle avait tellement dit qu'elle avait une petite sœur, elle lui parlait dans le ventre. On se parlait. Elle se réjouissait. Oui, puis on faisait des... L'enfant qui était dans mon ventre, je lui répondais, elle m'écoutait. L'autonomie. Il y avait déjà une relation très forte. Et puis elle avait peur que les enfants lui disent que c'était une menteuse, parce qu'en fait, c'était pas vrai qu'elle ait une plus petite sœur. Moi, ça a été, je crois que c'est la pire de mes douleurs, c'était ça.


Mais moi, il y a un truc que je ne comprends pas, c'est que tu dis « une semaine après ». Tu ne l'as pas vu pendant une semaine, ta fille ?


Je ne sais pas si elle est venue. Je n'ai aucun souvenir.


Mais l'enterrement, il a eu lieu combien de temps après ?


Il a eu lieu, je ne sais pas, peut- être une dizaine de jours parce que je ne tenais pas debout.


Donc, ils l'ont laissé à la mort et que de l'autre côté ?


Je ne sais pas parce qu'elle était petite. Ma fille est née, je pense qu'elle m'en a voulu. Elle n'a pas compris, mais bon, personne n'a compris. Mais voilà, là aussi, je dis après, je sais qu'il y a ma mère qui aurait aimé être là à l'accouchement, puis voir. Je ne sais pas. J'ai su après, mais ça aussi, je veux dire à l'hôpital, ils peuvent demander, ils peuvent peut- être pas être là pendant l'accouchement, mais elle voulait voir sa petite fille. Oui.


Puis en fait, toi, t'es dans un état de sidération, t'es dans un état qui est tellement bizarre qu' aujourd'hui, tu peux faire toutes ces réflexions- là, mais sur le moment, t'étais comme... Enfin, t'étais anesthésiée déjà et puis choquée.


Anesthésiée, choquée, puis on nous traite comme des numéros. Alors bon, voilà, maintenant, on attend de ce soir à 6h00, on vous donne les premières hormones. Et puis on vous dit pas tout ce qui est annexe, tout ce qui est, comme tu dis, pas à prendre. Est-ce que vous avez eu quelqu'un avertir ? Est-ce que moi, je ne savais pas. J'ai su après que ma mère, elle attendait le téléphone pour venir. Volontiers, j'aurais été peut- être mieux avec ma mère qu'avec d'autres personnes. Alors bon, on avait fait pas mal de photos et tout, mais ce n'est pas la même chose. C'est vraiment pas la même chose.


En fait, ce que tu es en train de dire, c'est qu' un enfant, qu'il soit âgé de sept mois in utéro ou de sept mois de vie après la naissance ou même sept ans ou 70 ans, finalement, on devrait avoir le même accompagnement une fois que, par rapport à un accès au corps, un accès... Un accès, en fait. Un accès. Au moins.


Que le corps médical, parce qu'il s'agit de ça, nous propose des choses qui soient empreintes un petit peu d'humanité. Ce n'est pas parce que je n'ai jamais tenu ma fille vivante dans mes bras qu'on doit la mettre tout de suite dans une cage et puis on doit faire comme si c'était rien.


Tu aurais aimé quoi ? Si tu refaisais le film là maintenant et peut- être qu'il y a des gens du corps médical qui nous écoutent en ce moment, qu'est- ce que tu leur proposerais en fait ?


Moi, je leur proposerais déjà de prendre du temps. Peut- être, ça demande un petit peu plus de personnel. D'écouter la personne, de leur proposer différentes solutions, que ça soit pour l'inhumation, la génération, le don à la science, parce que je comprends aussi qu'il y ait différents types d'accompagnement, que ça soit tout ce qui est au niveau pratique par rapport.


Au corps. Justement, tu as ce bébé qui est né. Tu proposerais quoi ? Là, ils te l'ont laissé quand même une heure et demie dans les bras. Ça, c'est positif quand même. Mais après ?


Après, il n'y avait plus rien.


Après, il n'y avait plus rien. Mais justement, comment tu verrais ça ? Ça serait la gardée dans un petit lit à côté de toi ?


Non, ce n'est pas possible parce que l'enfant, il vient tout de suite, il change de couleur, ça devient moins mignon.


Toi, tu l'as vu changer de couleur ?


Oui.


Oui. Il devient bleu ou bien un peu bleu ? Noir. Noir.


Très bronzé.


Et.


De garder, je ne sais pas, de garder un lien ou de dire « Voilà, on prépare. Vous allez rester peut- être deux ou trois jours à l'hôpital. Comment vous voudriez l'habiller ? Est-ce que vous voulez lui écrire un mot ? » Des trucs plutôt dans la symbolique, parce que c'est après ça qu'il reste. Moi, j'ai mis un bonnet taille 80, je ne sais pas quoi.


Taille naissance, en fait.


Oui, c'est trop grand. Ou laisser le temps, parce qu'il n'y a pas d'urgence. J'ai l'impression que c'était vite caché, vite fait. Ça s'est fait. Et aussi de prendre en compte la fratrie. S'il y a des frères et sœurs, dire « Mais est-ce que peut- être... » C'est plus dans l'accompagnement symbolique, je dirais. Après, il y a tout ce qui est corps de la maman qui a quand même accouché. Tu avais.


Besoin d'être soignée.


Tu t'y es pas un peu... Il y a quand même le ventre... Alors après, ce qui était pénible aussi, c'était que dans la rue, les gens me demandaient quand est- ce que j'allais accoucher, parce que le ventre, il reste gonflé. C'est peut- être au corps médical à dire « Non, on a fait ça, on a mis un faire- part dans le journal », ce qui a scandalisé certains vu qu'elle n'était pas née. Il y a toutes ces étapes pratiques, logiques, humaines qu'il faut qu'ils font proposer. Après, l'accompagnement psychologique, je pense un petit peu à l'hôpital. Si la personne est désireuse et sans insister. Et puis, donner quelques adresses pour plus tard. Mais de.


Me donner quelques adresses, donc pour toi, c'est... Là, ils t'ont donné des prospectus, mais toi, t'aurais aimé qu'en fait, ils te parlent et puis ils t'expliquent.


Qu'ils m'expliquent aussi qu'est- ce qui allait se passer, parce que j'imagine qu'ils savent très bien le processus. Il y a le choc post-traumatique, il y a plein de choses que peut- être j'aurai de la peine à dormir. Il y a plein de choses, qu'on normalise un petit peu la chose. Je suis rentrée comme si j'avais été fait repérer de la vanne d'Issid, je veux dire. Il y a tout ce côté deuil, ce côté...


Comment t'as vécu, justement, cet après, ce retour à la maison ? Qu'est-ce qui s'est passé pour toi ?


J'étais un peu dans les waps, on va dire. Je ne sais pas comment j'ai fait. Je me rappelle un soir où j'ai vraiment pris conscience. J'ai eu une grosse crise d'angoisse à venir folle. C'était le pic, je pense, après ça, ça s'est baissé. Et puis j'avais surtout ma fille qu'il fallait prendre soin assez vite. Dès que j'ai pu, j'ai été la chercher à l'école. C'était un effort insupportable parce que je tenais à la presse pas debout. Et là, le pire, ça a été de voir les gens, les parents.


Qui savent pas quoi te dire, c'est ça ?


Qui baissent la tête, qui changent de trottoir et qui t'évitent. Trop dur. Ça, c'est dur. Ça, c'est dur. Très, très dur. Parce que j'ai l'impression d'être pestiférée. Il y a une ou deux personnes qui sont venues vers moi. Mais plus pour savoir comment, pourquoi. Pas tellement. Donc c'était dur parce que moi, je faisais l'effort d'aller chercher ma fille pour lui dire « Je suis là. Moi, je suis là, je suis en vie. Pas de souci. » Et puis de voir toutes ses mamans, ça, c'était difficile.


Qui savaient certainement pas comment se comporter avec toi.


Je pense que j'aurais fait la même chose.


Trop mal à l'aise par rapport à cette souffrance qu'on peut même pas imaginer.


C'est ça. Je leur en veux pas du tout.


C'est dur.


Mais c'est violent parce que déjà qu'on est en état de faiblesse, faiblesse psychique, morale, tout, tous les repères éclatent. Et puis on fait l'effort d'aller dans le monde. Et puis là, on se sent rejetés.


Ça, c'était terrible.


Oui. Puis comment tu t'en es sorti ? Tu en es où aujourd'hui par rapport à... Ça fait une dizaine d'années que c'est arrivé, c'est juste. Comment tu t'en sors aujourd'hui ? Tu y penses encore ?


Oui, oui, moi j'y pense encore. Pas du tout dans le pathologique, mais on en parle de temps en temps.